lundi 28 novembre 2016

Cancer: mourir à ce qui est malade en nous

Tu meurs – le message n’est pas facile à accueillir. Il ne s’agit pas de trouver bien ce qui arrive, mais d’essayer de le prendre comme une information. Le corps communique à sa façon. Par la maladie, il nous informe que quelque chose ‘ne tourne pas rond’, n’est pas fluide, se trouve bloqué. Nous vivons dans un univers où tout est interconnecté. S’il y a un problème quelque part, il y a forcément une répercussion de ce problème ailleurs. Nous ne pouvons alors pas séparer corps et esprit, notre forme matérielle et notre être. Ils forment une unité. Jung disait que ce n’est pas nous qui guérissons nos maladies mais nos maladies qui nous guérissent. Commençons alors par nous montrer curieux et écoutons le mal-a-dit.

Tu meurs : Mon mal s’exprimait à travers mon sein. Le sein, c’est l’organe avec lequel nous nourrissons nos enfants, et à défaut nos projets. Je n’ai pas d’enfants et j’en ai longtemps souffert. J’ai fait des études pour être professeur agrégée de langues, mais depuis que je vis en France, je donne des cours à droite et à gauche et nourris d’innombrables projets sans jamais les accoucher vraiment. J’ai beaucoup culpabilisé de ne pas avoir eu d’enfants, ni d’avoir fait carrière ni le tour du monde. Je ne correspondais pas à l’image qui m’a été transmise par mon éducation et que j’avais bien intégrée. Je ne me sentais pas à ma place, toujours redevable de quelque chose. Sans en avoir conscience, je me reprochais en permanence mes ‘échecs’. Il fallait toujours que je fasse encore plus : être plus attentive aux besoins et aux désirs des autres, donner plus, … Mon corps a bien compris le message : il a formé une masse là où je suis le plus vulnérable.

Tu meurs : Le cancer m’a invitée à m’intéresser à moi et à me poser cette question vieille comme le monde : qui suis-je ? Qu’est-ce que je fais dans cette vie ? Quel sens je lui donne ? Je ne trouvais pas les réponses à l’extérieur. Ce n’étaient pas ceux qui me traitaient avec des armes lourdes conçues pour des millions de personnes qui allaient me le dire. Il était à moi d’aller en quête de ce qui pourraient être les vraies causes de ma maladie. Il n’est pas très confortable de se mettre en question et d’aller chercher en soi ce qui ne va pas. Il est beaucoup plus facile de chercher les causes de son malheur à l’extérieur… Je me suis demandé quelle était la relation que j’avais envers moi-même. Etait-ce une relation de bienveillance ou étais-je mon propre tortionnaire en exigeant toujours plus ? J’ai trouvé que je n’étais pas vraiment mon amie. Je voulais donner une image de moi qui correspondait à ce que je croyais qu’on attendait de moi. Mais ce n’était pas moi. J’étais comme séparée de mon être. 

Tu meurs : Il fallait alors que je me rapproche de qui je suis, de mes forces et de mes faiblesses. C’est un chemin qui demande une grande ouverture, de l’humilité et du courage. J’ai découvert qu’à l’intérieur de moi se trouve un univers aussi grand que l’univers à l’extérieur de moi. J’ai aussi découvert que j’avais mis plein de couches de protection autour de moi pour éviter que l’on voie mes faiblesses. Si je voulais m’approcher de cet être authentique qui m’habite, il fallait alors que je commence à m’éplucher, couche par couche. C’est comme si on ouvre des fenêtres pour laisser entrer la lumière dans des espaces sombres ... Enlever ses réticences et ses peaux dures peut faire mal. Mais la douleur passe quand on arrive à les laisser partir. 

Tu meurs : Le chemin que j’ai choisi était alors un chemin de paix. Je cherchais à communiquer, à comprendre. Quand il s’agit du cancer, notre médecine nous propose souvent un chemin inverse : on nous parle de monstres qui nous attaquent de l’intérieur, de cellules malignes, de guerre contre la maladie. Cette image belliqueuse de la maladie justifie tous les moyens : on brûle, on ampute, on empoisonne. J’ai suivi le protocole classique et je l’ai même assez bien supporté. Puisque j’étais en arrêt maladie, il m’a donné l’occasion de m’occuper de moi, de prendre soin de moi. Mais je ne pense pas qu’il m’ait guéri. On ne m’a d’ailleurs jamais parlé de guérison, seulement de rémission. Je pense que pour guérir, il ne suffit pas de tendre le bras et de laisser faire les autres. Il faut prendre sa responsabilité pour sa vie et sa santé en main. Etre responsable ne signifie pas être coupable. La culpabilité se réfère à quelque chose qui a eu lieu dans le passé. La responsabilité est l’attitude que nous choisissons en ce moment. 

En vie : Ma tumeur c’était alors transformée en envie. Je n’étais plus patiente, je suis devenue femme, un être humain qui s’interroge sur le sens de sa vie. Je ne pouvais pas voir ce qui m’arrivait séparément du monde dans lequel je vis. Ce monde va mal. Quand je regarde autour de moi, je vois des gens penchés sur leurs écrans. Nous nous enfermons dans des bulles, coupés des autres et de notre entourage. Dans notre enfer-mement, nous ne respectons plus les lois communes mais développons nos propres lois. En perte d’orientation, nous commençons à aller dans tous les sens, envahissons l’ensemble et risquons de provoquer la mort de l’organisme qui nous héberge. C’est exactement ce qui se passe dans un corps qui développe un cancer. Cette maladie, qui touchera bientôt la moitié de la population, nous communique-t-elle que nous nous sommes trompés de chemin ? Au lieu de sectionner, de diviser, de séparer, d’exclure nous devons nous mettre à intégrer, unir, créer des liens entre nous, des liens avec la nature et la vie,…. 

En vie : Comme nous, les cellules malades ne veulent pas tuer leur hôte car cela signifierait leur propre mort. Ces cellules veulent vivre ! Elles n’obéissent pas à l’apoptose, au programme d’autodestruction de chaque cellule, nécessaire pour garder l’ensemble en vie. Elles explosent dans tous les sens en quête de sens. Le cancer, serait-il alors plutôt un appel à la vie qu’un cri de mort ? Vivre plus en accord avec soi-même, être plus respectueux de ses propres désirs, développer une relation de bienveillance envers soi, accepter ses côtés lumineux et ses cotés sombres, prendre sa place dans cette vie, laisser s’exprimer ses dons et ses talents, son unicité, devenir créateur. Construire des liens avec les autres, échanger avec eux, partager, rire, se confier à eux, parler, s’ouvrir, ouvrir les bras , … Nous sommes des êtres de lien, nous avons profondément besoin de nous sentir unis, liés. Le problème est la séparation. La solution est l’union.

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